8                                    • INTRODUCTION
travailler sous les yeux de son client; il faisait venir les matières premières, et, assisté de quelques ouvriers ou de ses apprentis, restait.dans sa nouvelle résidence le temps strictement nécessaire pour mener à bonne fin la besogne commandée. Quand le travail avait une certaine importance, il retenait le tapissier une ou plu­sieurs années; puis celui-ci, sa tâche terminée, pliait bagage et partait à la recherche de nouvelles commandes. C'est ainsi qu'on a pu constater la présence du même tapissier dans deux ou trois villes différentes, à des intervalles de temps très rapprochés. Il ne s'ensuit pas que ces villes aient possédé des ateliers de haute ou de basse lice d'une manière permanente et stable.
Il en est de même pour certaines manufactures qui ont eu leur moment de gloire et de réputation. Nées du caprice ou de la vanité d'un prince riche, soutenues d'abord par d'abondants subsides, dès que leur protecteur vient à manquer, elles traînent une exis­tence obscure et misérable jusqu'au jour où les ouvriers, aban­donnés à leurs seules ressources, se trouvent réduits à partir vers d'autres pays plus hospitaliers. Combien pourrait-on citer d'ateliers rentrant dans ces conditions ! combien de centres de fabrication renommés, après des années de prospérité, sont tombés rapide­ment en décadence et ont cessé tout travail !
Seule la France a possédé depuis six siècles une suite non inter­rompue de tapissiers habiles qui ont maintenu, à travers les vicis­situdes politiques et économiques, la réputation et la supériorité de ses manufactures. Aussi la tapisserie doit-elle être considérée dans notre pays comme un art véritablement national. C'est ce qui ressort des faits authentiques que nous allons exposer.